Vincent Séguéla est le secrétaire général de la Fédération Léo Lagrange, et mentor ! L’équipe de Mentorat by Léo est allée lui tendre son micro pour un entretien revenant sur les valeurs communes et les liens profonds qui lient éducation populaire et mentorat, et son expérience personnelle de mentor.
Quelles cohérences y a t’il entre éducation populaire et mentorat ? Pourquoi le mentorat résonne-t-il avec le projet éducatif et politique de la Fédération Léo Lagrange ?
Le mentorat, c’est garanti 100% éduc pop ! Il agit en complément des structures traditionnelles d’éducation, d’enseignement, de formation telles que l’école, la famille, un club sportif ou encore une mission locale.
Le mentorat vise à s’améliorer, à progresser, s’émanciper, se réaliser, s’engager dans un projet avec tout ce que cela comporte : en être acteur, aller à son rythme et être libre, gérer échecs et succès.
Il n’y a pas de note, d’évaluation, de sanction, on se place dans la relation autour du ou des projets du jeune.
Le mentorat est ouvert à tous ! Chaque jeune qui éprouve le besoin d’être accompagné, conseillé, quels que soient son origine sociale, son capital culturel, ses ressources. En effet, tous les jeunes, même ceux ou celles qui disposent d’un bon capital familial, social, culturel peuvent éprouver le besoin de chercher leur voie, de tenter une expérience, d’explorer d’autres façons de voir la vie et les questions qui se posent avec elle. Nous rencontrons tous dans notre parcours une personne ou deux qui nous ont permis à un moment donné un « déclic », de décoincer quelque chose, rendre évident une autre, abandonner une voie que l’on pensait acquise pour une autre inconnue ou estimée inatteignable. Pour les mentors, c’est pareil : tout adulte ou jeune adulte, qui s’en sent capable peut apporter son expérience, son réseau, plus simplement son écoute ou orienter vers d’autres acteurs mieux placés pour répondre à la recherche du jeune mentoré. Tout le monde apprend sur soi, sur l’autre, sur un sujet, une problématique, un objectif, un domaine… Il y a réciprocité dans l’apprentissage et la satisfaction autour de la rencontre.
Enfin, à Léo nous apportons une attention toute particulière à la qualité de la relation entre jeune mentoré et mentor : respect mutuel, pas de jugement, fraternité et confiance. Il n’y a pas un détenteur du savoir et un apprenant, mais une relation co-construite autour d’un projet, d’une ambition dans laquelle les deux acteurs vont s’enrichir mutuellement.
C’est donc de l’éducation populaire, aussi car c’est à la fois individuel et collectif : chacun se forge et ensemble on agit sur la société.
J’allais presque oublier un principe essentiel et majeur : l’action du mentorat est 100% bénévole. L’essence même de l’éducation populaire !
Quel a été le déclic pour mettre en place Mentorat By Léo ?
Outre ce qui vient d’être dit, c’est la première fois depuis très longtemps qu’une politique publique notamment à destination des jeunes est à l’initiative des associations et que ces dernières en restent co-gestionnaires. Ainsi un collectif associatif du mentorat a été créé, fonctionne, dispose de moyens dédiés pour développer le mentorat et discuter avec l’État des conditions de sa mise en œuvre.
C’est un bel exemple de co-responsabilité entre société civile et puissance publique. Comme c’est une très ancienne revendication de Léo, il était naturel de s’embarquer dans l’aventure.
Pour nous, il y a en sur deux autres enjeux : qualifier notre offre à destination des jeunes, dont les jeunes adultes. Par exemple, proposer à un jeune en formation à Léo d’avoir en plus d’un formateur ou tuteur de stage, un mentor. De proposer à de très jeunes parents d’une crèche Léo d’être aussi mentorés : sur la fonction parentale, la recherche d’un emploi ou d’une formation, etc. C’est donc éducativement parlant un outil complémentaire à la palette offerte par les équipes pro de Léo.
Second enjeu, permettre aussi à nos usagers, adhérents, salariés, volontaires, et aussi de nouvelles personnes, non issues de notre réseau, de s’y impliquer, de s’engager dans notre projet associatif. C’est donc un nouvel espace d’engagement pour apporter sa contribution pour changer le monde et le rendre meilleur.
Vous êtes vous-même mentor, qu’est-ce qui vous a marqué dans cette expérience ?
Ce que je vais dire, 99% des mentors le disent car c’est tout simplement une expérience incroyablement vraie ! Même en l’imaginant en amont, on se retrouve dans quelque chose de magique, qui vous crée une satisfaction dingue : le plaisir d’avoir été utile, de donner et de recevoir. Ça cultive le goût des autres. Parfois, cela peut être vraiment très fort, très puissant. J’ai accompagné un jeune demandeur d’asile sur une grande variété de sujets (il a depuis obtenu un titre de séjour durable), nous avons parlé de pleins de choses, parfois d’intime, sur l’amour (il était amoureux et il est désormais père d’un petit garçon qu’il a eu avec cette femme dont il me disait être épris). Je me suis rarement senti autant utile, humain. J’ai éprouvé une satisfaction comme rarement, juste en lui consacrant un peu de temps, d’écoute, en mobilisant mon réseau ici et là. J’ai appris aussi beaucoup de choses à ses côtés : la dureté de l’accueil de ceux et celles qui fuient la guerre dans leur pays, très loin des idées qui circulent en ce moment en France et dans de nombreux pays européens. À travers lui j’ai senti la faim, le froid, la peur, j’ai touché du doigt les marchands de sommeil. J’ai aussi voyagé, en découvrant sa culture, son pays d’origine, ses amis. On s’appelle encore régulièrement et on se voit aussi périodiquement (il travaille et a un projet de formation).
J’ai aussi mentoré des profils plus « classiques » de jeunes qui cherchaient un stage, un contrat d’apprentissage, une nouvelle orientation. A chaque fois, le même bonheur de se sentir utile, voire très utile et aussi d’apprendre, en échangeant avec quelqu’un qui a d’autres aspirations que les miennes, d’autres doutes ou certitudes, d’autres expériences…
Je commence 2024 avec un nouveau mentorat et j’en suis ravi, tout autant que la première fois.
Quelles sont les ambitions du programme Mentorat by Léo ?
Nous connaissons tous ce proverbe africain « Il faut tout un village pour élever un enfant ». La première des ambitions est donc de participer, grâce au mentorat, à la formation, l’émancipation, l’éducation, l’accompagnement de jeunes en complément des acteurs ou institutions académiques ou traditionnelles. C’est une nouvelle action, une nouvelle façon d’accomplir notre geste éducatif.
La seconde ambition est celle d’accueillir de nombreux profils, très variés, les mentors, qui vont s’investir et s’accomplir aussi en tant que bénévoles à Léo et ainsi démontrer que le fait associatif apporte et apportera toujours des solutions adaptées à son époque et qu’il constitue un pilier essentiel de notre république. Qu’y a-t-il de plus merveilleux que d’apprendre, se former en permanence ? Qu’y a-t-il de plus beau que de donner et transmettre ? L’ambition est donc aussi de le faire à notre manière, avec de la joie, à la recherche de la dignité, dans la fraternité.